Trois ans après le lancement du projet initial, le projet SiCRET+ débuté en octobre 2023 étend son périmètre d’étude aux modules de puissance en carbure de silicium (SiC). Les travaux visent à comprendre le vieillissement des modules de puissance en fonctionnement normal et en fonctionnement dégradé, et en environnement sévère (température, humidité, radiations), afin d’en déduire des modèles de vieillissement prédictifs.
Un projet multi-filières co-piloté par un ITE et un IRT
Ce projet ambitieux de 6.7 millions d’euros rassemble un consortium multi-filière composé d’acteurs de l’aéronautique (Safran, Airbus, Liebherr), du ferroviaire (Alstom), de l’automobile (Valeo, Vitesco), du spatial (Airbus Defense & Space) et de l’énergie (Schneider Electric), mais également des laboratoires & instituts de recherche (SATIE, AMPERE, IMS, ICAM, SuperGrid Institute). Le projet SiCRET+ est co-piloté par l’Institut de Transition Energétique (ITE) SuperGrid Institute et l’Institut de Recherche Technologique (IRT) Saint Exupéry, tous deux membres de l’Association FIT (French Institute of Technology).
Rappel du projet SiCRET (2020 – 2023)
Le projet SICRET a été la première initiative française publique-privée à échelle nationale et européenne entièrement dédiée à la fiabilité des interrupteurs de puissance de type transistor à effet de champs (MOSFET) à base de Silicon Carbide (SiC). Il a réuni les principaux acteurs industriels de la chaîne de valeur de la transition énergétique ainsi que les meilleurs laboratoires du domaine. Grâce à la qualité technique et scientifique de ce consortium, le projet a pu attirer les principaux fournisseurs en électronique de puissance tels que STMicroelectronics (EU), MITSUBISHI (Japon), Infineon (EU), Rohm (Japon) et Wolfspeed (USA).
Dans un contexte d’électrification massive de la mobilité terrestre et aéronautique, où le poids et le volume des équipements électriques sont cruciaux, cette technologie, dotée de performances thermiques et électriques exceptionnelles, offre une réelle alternative aux solutions conventionnelles basées sur la technologie silicium. En effet, elle permet une réduction significative en termes de volume et de poids des équipements électriques. L’adoption de cette technologie est néanmoins limitée aujourd’hui en raison d’interrogations sur sa fiabilité en usage, du fait d’un manque de recul et de connaissances suffisantes sur ses principaux mécanismes de dégradation. Pour fournir des éléments de réponse, le projet a développé de nouvelles méthodologies de tests capables d’identifier les principaux modes de dégradation et de défaillance des interrupteurs MOSFET SiC.
Trois ans après son lancement, le projet a permis de structurer l’écosystème scientifique et industriel, apportant une valeur ajoutée considérable en termes de transfert de connaissances et de bonnes pratiques industrielles. La valeur de ces réalisations a été largement reconnue par les acteurs de la normalisation du domaine de l’électronique de puissance nationaux et internationaux (JEDEC2, AEC3, ECPE4, CFF5, etc.).
SiCRET + : au-delà de la puce électronique
L’écosystème mis en place pour SICRET a été renforcé et élargi pour la suite du projet, SICRET+, dont le périmètre s’étend aux modules de puissance SiC.
« La principale distinction avec le projet SiCRET réside dans le changement d’objet d’étude : la puce précédemment étudiée seule est ici envisagée dans son environnement immédiat (le module) ce qui permet d’étudier son vieillissement en fonctionnement réel. Nous tirons profit des connaissances acquises sur le vieillissement des puces grâce au projet SiCRET, tout en examinant si les mêmes mécanismes apparaissent lors du vieillissement des modules, ou si de nouveaux apparaissent. » Franck VANGRAEFSCHEPE, Chef de projet SiCRET+
Les 3 objectifs du projet SiCRET+
- Comprendre le vieillissement des modules de puissance SiC en environnement sévère
Pour appréhender le comportement des modules de puissance à base de composants SiC, des essais de type « power cycling test » sont entrepris. Ce test standard, impliquant la commutation des modules pendant plusieurs centaines ou milliers d’heures jusqu’à défaillance, sera étudié seul mais aussi associé à d’autres contraintes comme la présence d’humidité élevée pour voir comment de telles conditions environnementales sévères modifient le vieillissement du module.
Par ailleurs, l’influence des radiations cosmiques est également étudiée. Bien que peu présentes au niveau du sol, ces radiations sont significatives à haute altitude, comme sur les avions, et encore plus prégnantes dans l’espace, par exemple, sur les satellites.
- Améliorer l’utilisation de puces en parallèles
Les concepteurs de puces SiC se heurtent à des difficultés pour produire des puces de grandes dimensions, donc capables de faire passer de forts courants. Ils contournent cette limitation en utilisant plusieurs puces en parallèle. Malheureusement, elles peuvent présenter de légères variations, même si elles proviennent du même fournisseur, entraînant des divergences dans les commutations et potentiellement des dommages à long terme conduisant à une durée de vie du module réduite par rapport à celle des puces prises individuellement.
Le projet s’intéresse donc à la mise en parallèle des puces dans un module, tant pour des utilisations normales que pour des situations anormales telles que les courts-circuits et autres modes de fonctionnement anormaux que les modules doivent pouvoir supporter. Le projet s’efforce de développer une compréhension du comportement et des méthodologies d’essais adaptées au cas de puces en parallèle, à la fois pour les cas de puces équilibrées, mais surtout pour les cas de puces déséquilibrées, que ces déséquilibres apparaissent en début de vie ou à la suite d’un vieillissement différencié. Ces travaux devraient permettre aux utilisateurs finaux de définir des critères optimaux de choix et de tri des puces garantissant une durée de vie suffisante des modules dans chaque application.
- Aller jusqu’au modèle prédictif de vieillissement
Divers essais et méthodologies d’essais sont mis en place dans le cadre de ces activités et appliqués aux modules provenant de différents fournisseurs pour s’assurer qu’ils sont adaptés aux différentes technologies de modules SiC proposées. Au-delà de la mesure quantitative de la durée de vie des modules, l’objectif particulièrement intéressant pour les utilisateurs finaux est aussi de créer des modèles de vieillissement prenant en considération le profil d’utilisation spécifique à chaque application ainsi que l’environnement dans lequel évolue le module. Ainsi, les industriels pourraient anticiper le nombre de commutations prévues pour une puce donnée, et donc sa durée de vie.
Les essais du projet sont principalement réalisés au sein des laboratoires SATIE et Ampère, SuperGrid Institute, ALTER et au sein de l’IRT Saint Exupéry.
Des nouvelles collaborations
« Les projets SiCRET et SiCRET+ ont ouvert la voie à de nouvelles collaborations avec les instances de standardisation et d’études à l’international comme l’ECPE (European Center for Power Electronics). C’est une étape importante pour la reconnaissance des travaux des équipes de l’IRT Saint Exupéry. » Franck VANGRAEFSCHEPE, Chef de projet SiCRET+
Les équipes du projet SiCRET+ espèrent avoir un impact sur les futurs standards retenus pour les puces et modules SiC à l’issue du projet en soumettant leurs résultats aux organismes de certification.
Une collaboration ITE-IRT
« Grâce à cette collaboration un écosystème français est né autour du transport au sens large, que ce soit la mobilité ou le transport de l’énergie. Ceci a permis de créer une masse critique qui a convaincu les fabricants semiconducteurs de puissance (SiC) majeurs européens et mondiaux à discuter leur technologies et méthodes de tests pour la validation de la fiabilité des composants. »
Besar Asllani, Expert semi-conducteurs et chef de projet chez SuperGrid Institute
Le projet SiCRET officialisait déjà une collaboration entre SuperGrid Institute (ITE) et l’IRT Saint Exupéry avant la création de FIT. Par leur complémentarité, expertise dans la conversion pour la mobilité pour l’IRT Saint Exupéry et dans le domaine du transport de l’énergie électrique pour SuperGrid Institute, les deux instituts ont réussi à évaluer la fiabilité des puces MOSFET SiC, établir des lois de dégradations et contribuer à la standardisation de protocoles de test autant pour des composants moyenne (1.2 kV pour l’IRT Saint Exupéry) que haute tension (3.3 kV pour SuperGrid Institute)
Grace à cette collaboration un écosystème français est né autour du transport au sens large, que ce soit la mobilité ou le transport de l’énergie. Ceci a permis de créer une masse critique qui a convaincu les fabricants de semiconducteurs de puissance (SiC) majeurs européens et mondiaux à discuter leur technologies et méthodes de tests pour la validation de la fiabilité des composants.
Avec SiCRET+, l’aventure perdure et se renforce avec des nouveaux acteurs industriels intéressés par la fiabilité des modules MOSFET SiC. SuperGrid Institute participe activement à l’organisation du projet et la planification des tâches ainsi qu’à la coordination des actions avec les fabricants de semiconducteurs. Au-delà, SuperGrid Institute contribue activement dans le projet avec la création de bancs de tests dédiés au projet pour l’évaluation de la fiabilité des modules dans des conditions de cyclage en puissance. Ces bancs de tests, à la pointe de l’état de l’art, seront utilisés pour engendrer un vieillissement accéléré et contribueront à l’établissement de lois de dégradation et stratégies de mitigation pour permettre aux industriels d’optimiser la durée de vie des convertisseurs et réduire leur bilan carbone.