Article publié le 17/05/2024
Détection d’anomalies à bord de satellites pour la protection de l’environnement marin
Les océans abritent une large diversité d’espèces marines et constituent une composante vitale de la biodiversité mondiale. Les technologies avancées, telles que l’imagerie par satellite et l’Intelligence Artificielle (IA), peuvent aider les scientifiques à identifier et à faire face aux menaces environnementales qui pèsent sur cet écosystème.
Dans ce contexte, le projet IRMA de l’IRT Saint Exupéry propose une solution dédiée à la détection d’anomalies dans des images maritimes, conçu pour être déployé à bord de satellites d’observation de la Terre. Cette solution permet de détecter rapidement une grande variété de menaces pour les écosystèmes marins tels que les marées noires, la prolifération d’algues nocives, ou les déversements de sédiments.
L’approche proposée est innovante en ce qu’elle requiert peu de données annotées, est capable de fonctionner sur des cibles embarquées à faible puissance de calcul, et est générique pour tous types d’anomalies se différenciant de l’état normal de l’eau. Ces qualités font de cette méthode un outil adaptable à diverses missions, ce qui lui a valu d’être présélectionnée dans deux concours organisés par l’Agence Spatiale Européenne pour intégrer de l’intelligence artificielle à bord de Φsat-2 et IMAGIN-e.
Pour plus de détails sur notre solution, vous pouvez consulter notre article publié dans l’IEEE « Journal of Selected Topics in Applied Earth Observations and Remote Sensing » (JSTARS).
1. A propos des missions ESA Φsat-2 and IMAGIN-e
Les challenges Φsat-2 and IMAGIN-e sont des compétitions ouvertes de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) promouvant l’Edge Computing en orbite. Chaque challenge est un appel à propositions pour des solutions innovantes combinant IA embarquée et observation de la Terre. Les solutions proposées doivent présenter un intérêt sur le plan social, environnemental et économique et être compatibles avec les orbites et les caractéristiques des missions.
Figure 1 Logos des deux missions. Images crédit ESA
La mission Φsat-2 consiste en le déploiement d’un CubeSat (6U) sur une orbite héliosynchrone à 500km d’altitude. La charge utile est constituée d’un capteur à la résolution de 5 mètres avec 8 bandes spectrales, et d’un processeur CogniSat AI intégrant un accélérateur Intel Movidius Myriad2. Le lancement du satellite est prévu pour début juillet 2024.
Figure 2 Présentation de la mission Φsat-2: Cubesat 6U et zones d’intérêts de la mission (essentiellement maritimes). Images crédit ESA
La mission IMAGIN-e est embarquée à bord de la Station Spatiale Internationale. Lancée le 21 mars 2024, la charge utile consiste en une caméra hyperspectrale à la résolution de 50 mètres avec 50 bandes spectrales, et de 16 cœurs ARM Cortex-A72 intégrés dans un SDK Microsoft Azure.
Figure 3 IMAGIN-e mission overview. Images crédit ESA
Parmi une centaines d’équipes initiales, notre proposition de solution fait partie des toutes dernières à avoir été retenues pour un déploiement potentiel sur ces deux missions.
2. A propos de la solution technique de l’IRT Saint Exupéry
Dans le cadre de ces deux missions, nous proposons une solution commune basée sur une pipeline d’IA composée d’un encodeur auto-supervisé et de modèles frugaux en donnée et ressources de calculs permettant un déploiement en orbite sur une variété de missions.
Figure 4 Architecture de la solution
Basée sur un concept de « normalité » englobant un ensemble d’images ne contenant pas d’événements impactant les océans, elle offre une approche générique pour détecter un grand nombre de menaces potentielles. Nous avons également intégré un réseau permettant de caractériser spécifiquement certaines anomalies (pétrole, algues nocives, sédiments, etc.).
Cette solution permet divers cas d’usages opérationnels tels que :
- La priorisation d’images : Les images ayant les scores d’anomalie les plus élevés sont téléversées en premier par le satellite. Cela permet de surveiller de vastes zones maritimes tout en permettant aux opérateurs d’analyser uniquement les images contenant les informations les plus cruciales.
- L’envoi d’alertes : En cas de détection d’un incident majeur en mer, tel qu’une marée noire, une alerte immédiate est envoyée pour faciliter une réponse plus rapide des autorités compétentes et atténuer les impacts environnementaux, sociaux et économiques.
Figure 5 Résultats d’inférence
Un lien vers le notebook contenant les codes et des images de test sont disponibles ici :
- Notebooks pour les deux missions,
- Dataset d’images représentatives de la mission IMAGIN-e,
- Dataset d’images représentatives de la mission ФSat-2.
Les codes sont distribués sous GNU General Public License.
Les données de tests sont distribuées sous Creative Commons BY-NC-SA license.
3. A propos du projet IRMA
Le travail présenté ici est mené dans le cadre du projet IRMA (« IA pour la Réactivité Mission basée sur l’Analyse image ») de l’IRT Saint Exupéry. Ce projet IRMA vise à développer des briques technologiques basées sur l’Intelligence Artificielle (IA) pour la planification de missions et le traitement des données, à bord ou au sol, avec l’objectif de répondre aux nouveaux besoins du marché de l’observation de la Terre par satellites, tels que la transformation de données brutes en informations interprétées, et la gestion réactive de constellations de satellites.
IRMA s’est également donné pour objectif d’illustrer l’efficacité de ces technologies au moyen de démonstrations système, ce qui explique la participation du projet aux challenges « OrbitalAI » de l’Agence Spatiale Européenne.
Nous exprimons notre gratitude envers les partenaires industriels et académiques du projet : Thales Alenia Space, Activeeon, Geo4i, JoliBrain et l’Université Côte d’Azur. Nous remercions également l’Agence Spatiale Européenne de permettre à notre équipe de participer aux défis OrbitalAI.
Figure 6 Concept opérationnel du projet IRMA